mercredi 21 janvier 2015

LETTRE A MOISE PROPHETE 1ER



Lettre à Monsieur Moïse, Prophète 1er

Monsieur le Prophète,

Il y a quelques millénaires, grâce à vos talents d’orateur, votre passion, votre don de la persuasion, vous nous avez convaincus d’adopter un certain Yahvé, nouveau venu dans un ciel déjà encombré.

La nouveauté exerce un attrait jamais démenti, bien connu des publicitaires et autres marchands de rêve.

En fin bateleur, vous nous avez vanté les qualités de ce dieu nouveau. Grandissime, éternel, infini, omniscient, omnipotent. Créateur de l’univers, des hommes, des animaux et du reste... Impossible de tout citer.
Dieu invisible (une autre nouveauté), il nous promit le ciel en échange de l’observance rigoureuse de multiples interdits et de la croyance sans faille à son existence. Le prier plusieurs fois par jour en rappelant sa grandeur sans égale étant une condition absolue à notre salut.

A l’époque, nous faisions bon ménage avec de multiples divinités, composées de bric et de broc, que nous fabriquions nous-mêmes. Quelques pierres entassées, deux ou trois morceaux de bois alignés ou vaguement sculptés pour les plus habiles, couverts d’or ou d’argent pour les plus fortunés, suffisaient à créer un dieu à qui adresser nos prières pour que la pluie tombe ou que la petite dernière trouve un bon mari. Les dieux sont comme les humains. Certains se révèlent plus doués que d’autres. Quand ils ne nous convenaient plus, nous en changions, tout simplement. Des dieux disparaissaient, d’autres apparaissaient, assurant le renouvellement des générations. Si les plus cotés avaient droit à leur temple personnel, la plupart se contentaient d’un bout de trottoir ou d’une bougie posée sur une fenêtre. 

Le polythéisme régnait donc pour le bonheur de tous. Chacun son dieu, un dieu pour chacun et même un dieu pour les dieux. Qu’on l’appelle Zeus ou Jupiter ne change rien à l’affaire.

Monsieur Moïse, séduit par votre discours, (mais avions-nous le choix ?) nous avons abandonné nos divinités au profit d’une religion nouvelle (la nouveauté, toujours !) le monothéisme.

Il a nous fallu du temps pour comprendre que tout ce qui commence par mono doit éveiller notre méfiance. Monotone, monochrome, monopole, monologue, monogame... Du temps aussi pour réaliser qu’un dieu unique, tout puissant, exerçant son contrôle sur les moindres actes de notre vie, interdisant que nous servions d’autres dieux que lui-même, (atteinte avérée aux règles de la libre concurrence) penche inévitablement du côté de la pensée unique, de la dictature, du totalitarisme.

D’ailleurs que savons-nous de ce dieu qui se prétend créateur du monde, alors qu’il ignore que la Terre est ronde et qu’elle tourne autour du soleil ?

Vous en conviendrez, ce monothéisme n’est pas une réussite. Le nombre de guerres où des soldats de toutes obédiences s’étripent au nom de ce même dieu en est une preuve flagrante.

Aussi, en ma qualité de président de l’ARP (Association pour la Réhabilitation du Polythéisme) je remets entre vos mains de prophète − celles-là même qui ont brandi les tables de la Loi − cette pétition, forte de plusieurs millions de signatures.

En ces temps de retour à tout et n’importe quoi ‒ retour à la terre, à la nature, à l’authentique, au folklore, au patois, aux fauteuils Louis XVI ‒ et j’en passe, nous demandons, solennellement le retour au polythéisme. Mais attention ! Le polythéisme dans la laïcité. Nous prônons, tout simplement la nomination des dieux de l’Olympe dans le gouvernement. Six dieux et six déesses, bel exemple de parité avant l’heure.

Imaginez, monsieur Moïse, les ministères que nous aurions. Hermès, aux télécommunications. Ares, aux affaires étrangères ; Apollon, à la culture ; Athéna, à la sagesse (un nouveau ministère à créer), Déméter, à l’agriculture ; Artémis, à l’environnement ; Bacchus, à la fête (un autre ministère à inventer)... Et Aphrodite, ou Vénus, selon que vous la préférez grecque ou romaine, ministre de l’amour, oui, de l’amour, monsieur le prophète !

A la lecture de cette lettre, vous lèverez sans doute la tête, dans l’espoir de recevoir un signe de Celui, qui en toute modestie, se définit comme étant Celui qui est.

Je doute qu’il vous réponde. Certains le soupçonnent de ne pas exister. D’autres soutiennent qu’il a cessé de vivre. D’autres encore prétendent qu’ils l’ont vu partir vers d’autres cieux, dans une autre galaxie, à la recherche d’hominidés pas encore humains, plus malléables que ceux que je représente, ici.
Vous êtes donc seul. La décision vous appartient.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, monsieur Moïse, Prophète 1er, à mes sentiments les plus polythéistes.

Théo Payen, président de l’ARP

dimanche 11 janvier 2015

ILS ONT CASSE MON CRAYON



Je dessinais
Ils sont arrivés
Ils ont cassé la mine de mon crayon
En explosant la pointe noire a éclaboussé de rouge la feuille blanche
J’ai ouvert mon tiroir
J’ai sorti mon taille-crayon
Et j’ai continué

jeudi 1 janvier 2015

JOUR DE L'AN



Je suis le jour de l’An.
C’est-à-dire « le premier jour de l’an nouveau »
Comme c’est trop long, on dit « jour de l’An »
 
Je suis de sexe masculin, sinon on dirait « journée de l’année »
 
On me fête le 1er janvier.
C’est l’hiver. Il fait froid, il fait sombre, il fait gris
 
Le 1er mai a plus de chance
A cause du soleil, des défilés, du muguet
Mais surtout, à cause des filles, plus belles au printemps
 
Le 1er avril est un farceur
Il raconte des histoires qui finissent en queue de poisson
 
J’évite le 1er septembre
Il me traite d’usurpateur
Il prétend que le vrai jour de la rentrée, c’est lui
Chaque année, il fait circuler une pétition réclamant ma destitution
 
Je n’aimerais pas être le 1er novembre
A cause des morts qui s’accumulent
Jadis il ne gérait que les saints (un pour chaque jour de l’année, c’était jouable)
Depuis qu’on lui a collé les âmes de tous ceux qui doivent la rendre bon gré mal gré
Il peine
Chaque année, la liste s’allonge
A cause des guerres, des attentats, des inondations et autres tsunamis
Sans compter les accidents, les suicides, la faim
Et la mode des génocides qui se répand
Maintenant que le moindre dictateur s’applique à en inscrire un à son palmarès
 
Alors malgré l’hiver, le froid, la grisaille
Je me console d’être le 1er janvier
Les rues sont illuminées, les magasins clignotent
Chacun embrasse n’importe qui
Et j’ai des guirlandes autour du cou
 
Bien sûr ça ne remplace pas le soleil
 
Mais je garde espoir
Le réchauffement climatique s’accélère
Les glaces fondent
L’hiver s’épuise
 
C’est pourquoi je réponds poliment :
Bonne année à vous aussi